L’avez-vous remarqué ? Il y a des similitudes saisissantes entre les problèmes dans l’éducation et les problèmes sur les lieux de travail.
Les deux systèmes sont souvent orientés vers l’exécution mécanique des tâches imposées car les deux ont été créés pour répondre aux besoins de la révolution industrielle du XIXe / début du XXe siècle. La suppression de l'individualité était justifiée par la nécessité d'une main-d'œuvre standardisée.
A l’époque, la mentalité dualiste conquérant / vaincu avait encore son sens – il fallait piétiner les autres, s'élever au-dessus de la mêlée pour accéder aux commandes et ne pas se retrouver comme l'engrenage de la roue dentée des « Temps modernes ». Malheureusement, cette mentalité est toujours présente.
Les sondages montrent que pour beaucoup de gens le travail n’est qu’un endroit où ils échangent leur temps, une partie de leur vie, contre une certaine somme d'argent, à exécuter des tâches imposées.
Reliquat de l’ère de la révolution industrielle, la figure du manager-oppresseur est omniprésente dans le paysage industriel français : un dirigeant qui essaye toujours passer en force ; qui déprécie l'être humain dans ses moindres manifestations, même non liées à l’activité professionnelle ; qui manipule, plonge ses collaborateurs dans l’incertitude pour assurer des « montagnes russes » émotionnelles et mieux ancrer la dépendance ; qui sait provoquer la culpabilité, joue de son mécontentement pour attiser la peur, crée un climat de méfiance – « diviser pour mieux régner » ; qui contrôle tout et oppresse les faibles, provoque un malaise et de l'anxiété autour de lui, n'admet pas d’avoir tort et pour couronner le tout, se positionne en bienfaiteur de ses salariés.
C’est « grâce » à ce type de gestion, qu’une vague de suicides a eu lieu en 2008 (Renault, France Télécom,…), que la France reste en deuxième position au monde pour le palmarès des burn-out et a également la médaille d’argent pour l’absentéisme en Europe – ce qui présente en l’occurrence un coût de 108 Mrd d’euros par an pour le budget français. Seulement 6 % des Français se disent engagés dans leur travail.
Nous passons à notre poste la plus grande partie de notre temps et le problème de mal-être personnel des gens au travail suscite par capillarité d’autres problèmes d’ordre politique, financier, sociale, générant des crises dans ces domaines. Les problèmes systémiques exigent des réponses systémiques, c'est pourquoi il est nécessaire à tout point de vue – personnel, culturel, social et économique – de changer la vision sur le management : passer du paradigme économique vers le paradigme humaniste-existentiel.
Si nous apprenons à voir la personnalité de chacun, à vivre ensemble, apprécier à quel point nous sommes différents et qu’il est bien d'être différents, nous pouvons résoudre beaucoup de problèmes.
Un manager qui agit dans la conscience de la valeur de chaque membre de l’équipe, crée un climat de transparence, libère la parole des employés, donne un cadre logique, accorde une autonomie suffisante, fixe une responsabilité personnelle, respecte le droit de chaque personne à avoir son propre jugement – il pourra fédérer et motiver ses équipes, transformer la routine, changer le chaos en ordre, connecter les gens, faire bouger les choses. Il aura un vrai impact positif sur les résultats de son entreprise. Quant aux membres de son équipe, dans ces conditions il est beaucoup plus facile de s'épanouir au travail et de mener une vie riche et pleine.
D’après les études, la création de sens remplit une personne d'énergie, augmente son tonus vital et ralentit même le processus de vieillissement. La nature nous a destiné à travailler et à être heureux – chaque fois qu’on dépasse nos limites notre corps produit les « hormones du bonheur » pour nous stimuler dans cette direction. Fascinant, non ?
Il y a des entreprises qui adoptent ce nouveau type de management pour répondre aux enjeux actuels et aider à réaliser les talents qui existent en chacun. Même si pour l’instant ces entreprises sont largement minoritaires, la créativité est de plus en plus demandée partout, aussi bien que l'intelligence émotionnelle. Aujourd'hui, le développement technologique et la mondialisation changent la mentalité anachronique et la vision de l’activité professionnelle s’oriente plus vers la quête de sens et d’accomplissement personnel. Même l'accumulation de richesse est devenue plutôt une marche vers la liberté personnelle qu’une fin en soi.
Le système existant et obsolète de management « par la peur » essaie de nous faire entrer dans un moule de personne « moyenne » par autoritarisme, commandement et contrôle tandis que le véritable rôle du leadership est la création d’une ambiance propice au développement personnel, de l’atmosphère des possibilités. Comme un terreau fertile, le climat de créativité et de responsabilité personnelle permettra à chaque personne de réaliser des choses extraordinaires.
Les études montrent qu’un salarié heureux est beaucoup plus intéressant pour l’entreprise : il est 6 fois moins absent et 2 fois moins malade, 9 fois plus fidèle à l’entreprise, 31 % plus productif et 51 % plus créatif.
Le système managérial, qui donne l’opportunité aux gens de se connaître pour se développer, révéler toutes leurs possibilités, trouver leurs talents et les réaliser, assure le bonheur au travail pour l’individu ET la productivité pour l’entreprise.
L’homme est travailleur par nature, et c'est un véritable exploit que d’étouffer en lui cette caractéristique intrinsèque. Peut-être faut-il prévoir plus de changement à l’intérieur de la société pour permettre aux gens de voir d’autre facettes de l’entreprise. Aux USA nombreuses sont les sociétés où chaque salarié passe 20 % de son temps comme apprenti sur d’autres postes. Ceci permet une meilleure cohésion des équipes, formation sur place et une meilleure remplaçabilité des salariés en congés.
C’est contre notre nature de n’éprouver que de l’ennui, de la fatigue et du dégoût en pensant au boulot et pourtant c’est souvent ce qu’il se passe. Quand un dirigeant enlève toute liberté de décision et par conséquent toute responsabilité du résultat, il ne faut pas s’étonner que les gens perdent tout intérêt à leur travail. Le but du management n’est pas juste d’encadrer, mais de stimuler, provoquer, engager, réveiller et développer le pouvoir créatif de chaque membre de son équipe.
De la même façon que l’école doit sortir du carcan de la standardisation, l’entreprise, pour réussir, doit commencer à considérer l’être humain non pas comme un instrument parmi tant d’autres mais comme un être créatif par excellence. L’intellectualisation à outrance nous fait oublier que l’homme est une créature sensible, que nos émotions dominent notre intellect. C’est seulement lorsque nous sommes heureux que nos capacités voient un essor considérable.
Natalia Douliez, Fondatrice de CEO COACH
Crédit image: Yandex.ru
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