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  • natashadouliez

Gérer la COMPLEXITE

Dernière mise à jour : 7 nov. 2023


Ce dossier est un "long read". Néanmoins, il restera toujours incomplet car il est difficile de "venir à bout" de ce sujet.


« On mesure l'intelligence d'un individu à la quantité d'incertitudes qu'il est capable de supporter. », Emmanuel Kant

Plan d’exposé

Analyse de données


Introduction


Le monde change de plus en plus vite. Il se complexifie. Comment se repérer ? Perturbations géopolitiques, pollution, réchauffement climatique, surpopulation, misère, maladies, guerres religieuses, territoriales, ethniques, terrorisme, crises économiques, financières, sanitaires, événements imprévus – Comment gérer tout cela? Dans le monde VUCA (caractérisé par volatilité, incertitude, complexité, ambiguïté), inutile de croire que demain sera comme aujourd'hui. Qu’est-ce qui nous attend à brève échéance ? De nombreux processus n’opèrent plus selon un modèle mais prennent des tournures inattendues. Quelle est la valeur d'hier dans ce cas ?


Le monde change et nous aussi. Y-a-t-il un parallèle à faire ?


Agir d’une façon tournée vers l'avenir semble contre-intuitif. Pour définir un problème et trouver les solutions nous faisons appel à des modèles mentaux connus. Les méthodes de prévision, ont-elles leur place ? Quelle méthodologie sera optimale face aux crises ? Comment conduire le changement dans les entreprises et agir de manière contrôlée dans des situations complexes ? Quelles postures et compétences sont les mieux adaptées ?


Il y a plus de questions que de réponses dès qu’on touche à la complexité. Dans ce bref exposé, je tracerai quelques lignes de réflexion, tant au niveau des problèmes qui se posent, qu’au niveau des réponses, offertes par différents auteurs.


La complexité n’a pas de définition unanime. Elle est définie, en général, comme propriété d’un système complexe, dont le comportement est difficile à modéliser en raison de sa structure, l'hétérogénéité de ses composants, des interactions imprévisibles entre les parties, ses fonctions multiples, la non-linéarité de la dynamique de son développement et la présence de niveaux d'organisation, aux propriétés émergentes où le tout n’est pas égal à la somme des parties. La complexité se situe entre deux pôles : phénomènes simples, linéaires et phénomènes chaotiques, aléatoires.


Problèmes liés à la complexité


Pourquoi parlons-nous souvent du monde VUCA en évoquant la complexité ? Si dans un monde « ancien » (ou « à risque »), il était possible d’estimer les probabilités des événements à venir, aujourd’hui nous vivons dans un monde « incertain », où personne n’est capables d’estimer l’’occurrence des événements futurs.


Comme ce monde est le nôtre, il est bien d’essayer de le comprendre pour mieux s’adapter – aussi bien à des fins de profit, de compétitivité, que de protection ou de bien social.


L’entreprise, comme tout système, est un ensemble d'éléments en interaction dynamique, organisés en fonction d'un but. Plus elle est grande, plus elle devient complexe. La prévision structurée à long terme devient impossible. Les erreurs sont massives.


De plus, différentes valeurs, besoins, objectifs, cadres de référence, relations interpersonnelles, pratiques managériales s’y imbriquent. Sans ordre établi, ce système ne tiendrait pas mais les tendances sont à l’assouplissement des règles. Comment gérer tout cela ?


Black swans


Nassim Nicholas Taleb appelle les black swans (sygnes noirs) des évènements très difficiles à prévoir, à impact puissant, non envisagés par des théories existantes car ils ne se sont jamais produits.


Ces événements peuvent avoir des conséquences positives ou négatives : découvertes, innovations, vente de millions d’exemplaires d’un livre ou guerres, krachs, catastrophes, crises sanitaires, économiques, politiques, financières etc.

La fréquence des black swans augmente avec la complexité croissante et leur impact devient planétaire avec la globalisation.


Fragilité

Une autre notion, introduite par Taleb, est la fragilité qui présume qu’un business peut avoir plus à perdre qu’à gagner en se développant. Exemple : un projet aux coûts non-maîtrisés.


L’essentiel des dépassements de coûts des entreprises est lié aux grands projets technologiques qui sont développés pour gérer la complexité. Une tendance à la sur-optimisation et à la sur-planification aggrave souvent la situation.


Pour Taleb, la fragilité provient de la taille excessive des systèmes et de du rôle primordial de la technologie. Chercher à réunir le maximum d’informations sur l’environnement n’est pas la panacée. L’abondance d’informations devient préjudiciable car elle fausse l’analyse.



La fragilité se représente avec une courbe concave.


Rigidité


« Le succès commercial contient en lui les germes de sa propre destruction. », Andrew Grove


Les entreprises qui atteignent une grande taille perdent en partie leur capacité d'adaptation. Elles deviennent plus complexes, moins flexibles et peinent à réagir au changement. Des années de succès peuvent rendre la direction dogmatique et complaisante. La politique devient plus importante que le progrès, et le travail est remplacé par des réunions interminables.


Les marchés à forte croissance qui représentent l'avenir sont aujourd'hui très petits et n'attirent pas les grandes entreprises. Si les offres actuelles se vendent encore bien, peu d'entreprises prospères osent s'aventurer sur de nouveaux marchés inconnus, en ratant les opportunités qui leur permettraient de réussir à l'avenir. Elles consacrent plus d'énergie et de temps à essayer de tirer le meilleur parti de leurs produits existants et à défendre leur part d’un marché établi.


Ayant perdu la possibilité de pénétrer de nouveaux marchés, l'entreprise n'a plus la possibilité de se développer. Elle a perdu enthousiasme et énergie. Elle réduit ses dépenses dans l'espoir de compenser la baisse de ses revenus ou fusionne, change de marque. Si ces mesures échouent, l'entreprise passe à la réorganisation. Pour survivre, elle doit se transformer complètement ou être démantelée.


Flux d’information difficiles à analyser


Une grande entreprise est un système complexe et sa gestion dépend du processus de collecte, de transmission et de traitement de données quantitatives et qualitatives, souvent inconnues et / ou non-observables.


Les erreurs dans les données faussent le résultat d’analyse, les informations mal interprétées créent un amalgame entre corrélation et causalité.


Les dirigeants opèrent des choix selon le niveau d’information dont ils disposent et selon les anticipations qu’ils font du marché. Les erreurs d’analyse de données peuvent s’avérer des catastrophes.


Par ailleurs, plus l’entreprise est grande, plus difficile est le partage de l'information – elle est déformée et retardée à cause d’un long chemin depuis la base jusqu'à la direction. Les dirigeants perdent le contact avec la réalité.


Défis de management face à la complexité


Les nouveaux défis qui se posent devant les managers face à la complexité sont à la fois d’ordre stratégique, opérationnel, cognitif et émotionnel.


Des biais cognitifs et émotionnels influencent nos décisions beaucoup plus que notre raisonnement rationnel.


Selon le prix Nobel d’économie Daniel Kahneman, les décideurs sont souvent victimes de biais de substitution (la tendance à remplacer une question complexe par une question plus simple) ou de disponibilité (utiliser des expériences et savoirs anciens).


Le monde VUCA est trop imprévisible pour fonder les actions sur la visibilité du futur grâce à l’expérience du passé mais tous les procès de gouvernance sont hérités de la tradition de la planification : le budget, l’allocation de ressources, les plans commerciaux, les business-plans, le développement des produits.


Quand la planification tend à échouer, comprendre et piloter l’intelligence artificielle devient fondamental. Mais l'IA n’aidera pas quand les décideurs n'admettent pas la nécessité du changement. L’humilité est nécessaire pour éviter les erreurs et voir les opportunités.


Les défis émotionnels sont multiples car la prise de décision dans l’environnement complexe augmente considérablement le stress du décideur. Différents biais cognitifs s’expriment de plus en plus au fur et à mesure que la complexité augmente.


Nos intuitions émotionnelles ne sont pas toujours fiables et risquent d’orienter l’action vers des pistes dangereuses, inappropriées ou moralement problématiques. Le décideur peut réagir par la peur face à l’incertitude et l’impossibilité de prévoir. Dans ce cas, la réflexion portera sur la limitation des risques et non sur la maximisation des gains, individuels ou collectifs. Guidé par le dégoût, le dirigeant sombre dans la xénophobie ou l’homophobie, etc.


Pour échapper au trop-plein d’émotions, le décideur peut avoir tendance à les nier complétement pour ne se fier qu’au raisonnement. Mais les neurosciences ont démontré que les émotions exercent une influence décisive sur le processus décisionnel. Le déni des émotions nous empêche d’avoir des réactions appropriées aux situations.


Les zones cérébrales associées aux émotions sont aussi liées au raisonnement pratique. Ainsi, une défaillance affective entrave le processus de raisonnement, rendant tout choix difficile, que ce soit sur le plan organisationnel, social ou moral.


Sans émotions, nous naviguons parmi une infinité de possibilités ; submergés par nos émotions, nous effectuons des choix catastrophiques pour nos intérêts.


Ebauches de solutions : approches et outils d’aide à la décision


Je ne parlerai pas des approches lean et agile car elles sont bien connues. Je tracerai quelques autres pistes, moins médiatisées.


Antifragilité


Selon Nassim Nicholas Taleb, on ne peut pas prévoir l’occurrence des cygnes noirs, mais on peut évaluer leurs impacts possibles. Les systèmes complexes peuvent être fragiles ou antifragiles.


L’antifragilité est la caractéristique des systèmes qui survivent aux cygnes noirs. Elle désigne la capacité non pas à résister à tout, ni à récupérer rapidement (résilience) mais à se renforcer après une mise à l’épreuve imprévue par des événements stressants (pas des catastrophes).


L’entreprise doit avoir plus à gagner si la situation est favorable, qu’à perdre, si les événements tournent mal. Elle combine une stratégie pas ou peu risquée en cas d’évolution défavorable de l’environnement avec une stratégie risquée en cas d’évolution favorable.


Exemple : une startup qui a un minimum de coûts (peu d’employés et d’investissements) et une idée en or.


Comment les entreprises peuvent-elle développer l’antifragilité ? Taleb préconise une exposition à de « petits stress fréquents » pour tester et pousser à l’autonomie les différentes parties du système, à l’image d’un corps vivant.


Une entreprise devient « antifragile », en tirant bénéfice d’événements aléatoires. Elle tire les leçons de ses erreurs et n’a pas peur d’en commettre. Chercher à éviter systématiquement les petites erreurs conduit à accroître l’impact des erreurs importantes. Une stratégie antifragile efficace est celle de pertes limitées.


Les sacrifices de certaines unités fragiles sont souvent nécessaires pour le bien-être de l’ensemble. Ainsi, la fragilité des start-ups est nécessaire pour que l’économie soit robuste dans son ensemble.


On augmente l’antifragilité par des mesures de prévention. Exemple :


La compagnie d’assurance américaine FM Global est fort rentable. C’est une mutuelle spécialisée dans les risques industriels, qui fixe ses tarifs non pas en fonction du coût des sinistres passés mais de l’exposition au risque.


Un ingénieur de FM Global étudie les sites du client et fait des recommandations pour définir une politique de prévention des risques. Les sites sont visités quasiment tous les ans et des conseils sont donnés pour l’ouverture de toute nouvelle implantation.

Si un sinistre est prévisible, FM Global envoie une équipe pour aider ses clients à s’y préparer. Et quand il a eu lieu, une équipe est envoyée pour accélérer le redémarrage.


Analyse de données


L’impossibilité de la prévision est une question de complexité, mais aussi d’échelle de temps et de mode d’utilisation. La prévision à court-terme, réservée à certains domaines, est de plus en plus précise et maîtrisée.


Pour les multinationales, l’accroissement de la complexité est une opportunité de collecter et analyser des données. Les entreprises qui se dotent des outils d'apprentissage automatique et d’analyse de données pour approximation, prédiction et compréhension originale, utilisent l’Intelligence artificielle pour résoudre des problèmes de façon bien meilleure que par le passé.


L’IA peut améliorer la segmentation client en produisant des dizaines de milliers de profils ; recommander des changements, retravailler les modèles prédictifs et effectuer d'autres analyses pour améliorer fabrication, production, emballage, qualité, stockage, expédition, etc., en prenant en compte des données sur les conditions météorologiques, les transports, les importations / exportations, les machines et processus de fabrication.

Pour résoudre des problèmes complexes, il existe des plateformes de concours comme Kaggle qui s’adressent à la communauté mondiale des analystes de données.


Les entreprises peuvent examiner les données sans attendre d'avoir un problème. Le regroupement des données internes et externes est la base du nouveau fonctionnement des grandes entreprises.


Effectuation


Quand l’entreprise n’a pas les moyens d’une multinationale, elle peut aussi construire son avenir au lieu de le prévoir. Faire avec ce que l’on a est LE principe de l’effectuation – un concept de Saras D. Sarasvathy, Docteur en systèmes d'information, professeur de la stratégie d'entreprise et de la théorie des opportunités dans le programme MBA à l'université de Darden aux USA.


L’approche « test and learn » et les petites actions rapides et itératives, permettent de tirer des conclusions et avancer pour parvenir à un résultat non anticipé.


Les 5 principes d’effectuation :


1/ Démarrer à partir de moyens plutôt que les assembler quand le but est déterminé

Qui suis-je ? Qu’est-ce que je connais ? Qu’est-ce que j’ai ? Qui je connais ? Que puis-je faire avec mes moyens ?


2/ Limiter les risques en réfléchissant en termes de Perte acceptable

Considérer, à chaque étape, ce que l’on est prêt à perdre plutôt que réfléchir en termes de retour sur investissement.


3/ Profiter des surprises

Accueillir les « mauvaises » nouvelles comme des pistes à suivre pour créer de nouveaux marchés. Démarrer avec une idée, partir sur une autre suite à une observation, une suggestion ou un accident plutôt que minimiser la probabilité de rencontrer des imprévus.


4/ Créer des partenariats

Ne pas avoir d’idée préconçue, à quoi l’opportunité ressemblera au final. Créer au fur et à mesure. Construire le marché en formant des partenariats temporaires avec des parties prenantes intéressées à s’investir, plutôt que s’armer d’une analyse détaillée de la concurrence pour affronter tous les rivaux.


5/ Contrôler vs prévoir

Développer les actions en misant sur les activités sous contrôle plutôt qu’essayer de prévoir la tendance. Réduire les incertitudes en effectuant un choix parmi les options.

Dans un monde incertain et complexe, il est mieux d'abandonner la prévision et le plan stratégique au profit de l’effectuation et de la construction d’un potentiel de situation.


Potentiel de situation


Sun Tzu, dans L’Art de la guerre, résume ainsi la logique du potentiel de situation : réaliser des actions peu visibles, qui vont à la fois réduire les capacités de l’ennemi et augmenter celles des alliés.


La stratégie est à long terme et consiste à repérer où se trouve le potentiel et réfléchir, comment l’exploiter : considérer le contexte, l’ensemble des paramètres, ajuster ses actions en permanence, être sensible au monde autant qu’a ses propres qualités.


ASAP – un outil d’analyse stratégique



Pour construire un potentiel de situation, j’ai développé, à partir de plusieurs approches, livres, techniques et outils, un système d’analyse stratégique qui considère l’entreprise dans sa totalité, interconnecté avec son environnement. Il permet de :

- Comprendre les faiblesses et améliorer le fonctionnement d’une entreprise ;

- Avoir un aperçu complet des objectifs contradictoires pour envisager toutes les options de manière dynamique ;

- Tenir compte des points de vue des différents acteurs ;

- Prendre des décisions éclairées qui profiteront à l'ensemble de l’entreprise.

Cette méthodologie permet d’analyser la plupart des éléments de base obligatoires pour les entreprises de toute taille, tout type et tout âge et couvre 17 sur 20 des premières causes de faillite :


Vers un changement de paradigme


Tous ces outils sont efficaces mais il est plus facile de surmonter un problème avec une compréhension plus profonde et holistique. L’outil le plus global de cette compréhension est la Spirale Dynamique.


Spirale Dynamique


La spirale dynamique est une modélisation de l'évolution de la conscience qui permet de comprendre nos modes de pensée. Développée dans les années 50 aux Etats-Unis par Clare W. Graves, alors professeur de psychologie à l’Université de New-York, elle a été affinée et diffusée par ses élèves Don Beck, Christopher Cowan et d’autres auteurs.


Selon cette théorie, l’évolution des individus, organisations ou sociétés peut être décomposée en plusieurs «niveaux d’existence». Chaque niveau d’existence repose sur une valeur profonde adoptée par un individu, une organisation ou une société humaine pour s’adapter aux conditions de vie auxquelles ils sont confrontés.


Le passage d'un niveau à un autre se produit généralement lorsque l'excès de la solution précédente devient un problème. L'évolution des niveaux d'existence alterne entre « centré sur soi » et « centré sur le collectif ».



La spirale dynamique se compose de 8 étapes (appelés vMèmes) en 2 boucles. Ces étapes, symbolisées par des couleurs (ou des numéros / des abréviations en lettres), correspondent à différents niveaux de conscience collective :


Beige (INSTINCTIF – SURVIE : Mode animal - Réflexes – habitudes ; Faire tout ce qu’il faut pour rester en vie avant tout) ;


Violet (FUSIONNEL – MAGIQUE : Appartenance au clan, rites, magie. Apaiser les esprits et la nature et préserver la sécurité de la tribu) ;

Rouge (EGOCENTRIQUE – IMPULSIF : ‘Je’ - Puissance - Domination – Honneur ; Sois ce que tu es et fais ce que tu veux quoi qu’il arrive) ;


Bleu (HIERARCHIQUE – NORMATIF : Ordre - Moralité - Statut social ; La vie a un but avec des résultats prédéterminés) ;


Orange (RATIONNEL – INDIVIDUALISTE : Individualisme - Planification – Structure; Agir dans son propre intérêt en jouant pour gagner) ;


Vert (EMPATHIQUE – PLURALISTE : Ouverture – Intériorité – Harmonie ; Rechercher la paix intérieure et explorer les dimensions communautaires) ;


Jaune (ADAPTATIF – INTÉGRATEUR : Flexibilité - Interdépendance – Systémique ; Vivre pleinement, être responsable de ce que je suis et évoluer) ;


Turquoise (HOLISTIQUE : Esprit global – Résonances écologiques – Connexion ; Faire l’expérience mentale et spirituelle de l’unité de l’existence).


Chaque vMème transcende et inclut tous les niveaux précédents.


Tous les niveaux d’existence sont présents dans une personne, une organisation ou une société et chaque niveau influence tous les autres. Tous sont actifs, activables et activés quand les conditions se présentent, ou certaines situations surviennent. Exemple : pendant les émeutes urbaines, les niveaux beige et rouge sont activés.


La philosophie de la Spirale Dynamique consiste à comprendre et accepter les gens et les organisations avec leur mode de penser, de croire et d’agir, pour donner un sens à leur existence, individuelle ou collective. Clare Graves insiste sur le fait, qu’il n’y a pas un niveau qui serait mieux que l’autre, de la même façon que nous ne pouvons pas dire que l’âge de la sagesse est mieux que celui de l’adolescence.


La Spirale Dynamique et le changement


– Combien de psychanalystes faut-il pour changer une ampoule ? – Un seul. Mais il faut que l’ampoule ait vraiment envie de changer.


Les 3 attitudes


Selon Clare Graves il existe principalement 3 attitudes face au changement :


Ouverte : le changement est considéré comme un phénomène inéluctable auquel il est nécessaire de s’adapter. Les apports des niveaux d’existence précédents sont reconnus comme positifs et appropriés.


Arrêtée : La conscience des vMèmes des niveaux inférieurs existe mais le système de valeurs en cours est vu comme la panacée.


Coincée : la personne utilise un seul vMème et considère que c’est le seul valable. La pensée est binaire, psychologiquement rigide et la généralisation est de mise.

Le changement est possible seulement avec l’attitude ouverte.


Les 6 conditions


Potentiel de changement : la capacité physiologique, intellectuelle ou affective d’un individu ou d’un groupe de faire face à une crise, d’opérer une transition.


Solutions : les problèmes solubles au niveau actuel doivent être réglés avant d’envisager l’évolution vers le niveau d’existence suivant.


Dissonance : « On ne change pas une équipe qui gagne » - une dissonance ou une tension (qui peut être créée artificiellement) sera un catalyseur du changement.


Insight : il faut avoir une perception claire de ce qui pose problème, des alternatives au changement et une vision des ressources pour engager le processus.


Obstacles : les barrières doivent être identifiées et éliminées ou contournées. Il faut distinguer les obstacles extérieurs et intérieurs.


Assistance : l’accompagnement et le soutien aident à gérer les doutes et les incertitudes qui ramènent aux anciennes habitudes, difficultés et limites.

Le changement est possible seulement quand toutes les conditions sont réunies.


La Spirale Dynamique et l’entreprise


Toutes les entreprises font face à une divergence de niveaux de la Spirale Dynamique. Les dirigeants, le personnel, les fournisseurs, les clients ne sont pas positionnés aux mêmes niveaux. Gérer le changement, communiquer, construire des équipes, connecter chacun à ses motivations nécessite de prendre en compte ces différences.


Dans une entreprise dominée par le VIOLET, le climat est familial : le fondateur est souvent aux commandes, il dirige de manière un peu paternaliste, la majorité du personnel est présente depuis de nombreuses années, les employés connaissent le fondateur ou sa famille.


La dominante ROUGE se rencontre souvent là où le personnel est majoritairement masculin : dans un service de production, par exemple. Une femme qui dirige ce service, peut essuyer des expressions machistes, son autorité sera contestée et ses ordres plus ou moins appliqués.


L’entreprise dominée par le BLEU est autoritaire. Le salarié est au service de son entreprise. Les négociations sur le poste, les attributions, le salaire, les stages ne sont pas bien vues. Chacun doit avoir sa place. Ce vMème est souvent très présent dans l’administration.


Dans une entreprise dominée par ORANGE, la priorité est donnée aux résultats financiers quel que soit l’impact sur les salariés. Une forte compétition interne est encouragée, les entreprises sont pour la plupart organisées avec une hiérarchie pyramidale et les décisions les plus importantes sont prises par la direction.


France Télécom a choisi son nom actuel après avoir été coaché par la spirale dynamique.


Des questions dans le style de ORANGE : Qu’est-ce que mon action va rapporter en termes d’argent mais aussi en termes de confort pour moi et pour les autres ? Quels sont mes objectifs concrètement ? Comment m’améliorer et progresser ? Quelles sont les opportunités qui se présentent et que je peux saisir maintenant ?


L’idée prédominante du VERT : « Les gens ont besoin d’être épaulés et valorisés. Ils ont besoin de présence, d’écoute et d’attention. Tout le monde gagne quand chacun considère l’autre dans sa propre valeur et que l’environnement permet épanouissement et harmonie. Notre entreprise doit être un endroit où les gens se sentent bien, un environnement propice à l’épanouissement, à la compréhension et à l’accompagnement mutuel. »


L’entreprise a une culture, une personnalité, qu’il est possible de placer sur la spirale dynamique. Une entreprise évolue dans un environnement socio-économique donné et interagit avec cet environnement. La compréhension de ces interactions est cruciale pour l’entreprise et pour ses dirigeants. Quel est le niveau dominant de mon entreprise et de mes clients ? Et celui des membres de mon comité de direction ? Sommes-nous en train de changer de mode de pensée ?


Théorie U, conduite du changement face à la complexité


La Théorie U est une méthode de leadership et de conduite de l'intelligence collective visant à ouvrir des champs de conscience nouveaux dans un but d'innovation et de croissance des organisations humaines.

Son auteur est Otto Scharmer, l'économiste allemand et chercheur en action au Massachusetts Institute of Technology (MIT) de Cambridge. Pour lui, il s'agit de développer et de mettre en œuvre des innovations de rupture en adéquation avec le besoin d'un futur radicalement différent sur la base d'un travail intégrant l'introspection individuelle et collective.


Le postulat de base est que, par une introspection individuelle et collective et une écoute générative, un futur émergeant positif peut être amorcé.


Les niveaux d'écoute


1. Ecoute ordinaire. Réalisée depuis l'identité actuelle des personnes et des organisations, elle produit des changements du type « on fait toujours plus de la même chose » ;


2. Ecoute factuelle. Consiste à chercher sans juger à clarifier, comprendre le monde en tant qu'objet extérieur ;


3. Ecoute empathique. Plus profonde, elle nécessite une ouverture du cœur au cadre de référence et au ressenti de son interlocuteur ;


4. Ecoute générative. Proche de la transe ericksonienne, c'est l'écoute décentrée qui laisse émerger des idées « hors cadre ». C'est dans cet espace-temps que des informations nouvelles, toujours présentes mais inaccessibles à la conscience ordinaire, peuvent imprégner la conscience de l'écoutant.


Le processus en U


La théorie U propose un cheminement en sept étapes qui va faire vivre à un groupe une expérience de co-construction originale.


1. Co-initier : Le collectif qui a décidé de vivre l'expérience va définir l'objet sur lequel il souhaite travailler (modalités de fonctionnement, nouvelle vision, nouveau produit...).


2. Co-observer : par un jeu de questions croisées, l'équipe va mettre à jour les « angles morts » individuels et collectifs qui maintiennent chacun dans du « connu ».


3. Co-sentir : Chacun exprime les émotions inspirées par l'objectif. La difficulté à réaliser un changement profond se trouve toujours dans la difficulté à « ressentir » au niveau individuel et collectif.


4. « Presencing » : Ce mot est la contraction de « présence » (être là dans l'instant présent) et « sensing » (sentir les choses). Inspiré par la pleine conscience bouddhiste, Scharmer considère important d'être présent à soi et au réel pour produire des solutions qui soient orientées vers le futur et le global et non vers des intérêts particuliers et le passé. A cette phase, l'équipe se retrouve au creux de la courbe en U et chacun va laisser émerger les idées qui lui viennent et les exprimer à haute voix.


5. Cristalliser : Avec cette phase, la remontée du U vers une conscience ordinaire s'amorce. L'équipe cherche pour cela à « rendre plus concrètes » les émergences de la phase précédente. Notamment, comment les intuitions de chacun peuvent apporter des éléments de réponse concrets à la question du groupe.


6. Prototyper : Cette phase de « co-création » va consister à proposer des tests à petite échelle des résultats auxquels l'équipe a abouti. Un prototype est créé et testé par l'équipe.


7. Performer : Cette étape consiste à intégrer à grande échelle, dans toute l'organisation, les solutions ainsi créées.


Scharmer considère qu’au bas du U se trouve une « porte intérieure », où le lâcher-prise de l’ego laisse venir le futur qui cherche à s'exprimer à travers nous.


Une fois qu'un groupe franchit ce seuil, rien ne reste le même. Les membres individuels et le groupe dans son ensemble commencent à fonctionner avec un niveau d'énergie accru et une conviction liée à la reconnaissance de cette possibilité future.


3 attitudes : ouverture et changement de perspective


• Curiosité, esprit ouvert : suspendre ses habitudes et la voix du jugement ;

• Compassion, cœur ouvert : être dans l’empathie et suspendre la voix du cynisme ;

• Courage, volonté ouverte : lâcher prise, suspendre la voix de la peur.


C’est une voie d’apprentissage vers un nouveau leadership et une innovation qui accompagnent le changement profond des systèmes.


Son objectif, la transformation de la société pour aller vers le bien-être de tous, rejoint celui de l’innovation à impact positif : impulser le renouveau de nos organisations et de notre économie vers un monde plus juste, plus équitable et meilleur pour vivre.


Plus de dix mille projets d'innovation sociétale sont nés de la Théorie U à travers le monde, qui suscitent des transformations profondes à tous les niveaux : économique, politique, agroalimentaire, éducation, innovation...


En France, Décathlon s'est appuyé sur la théorie U pour construire sa vision et la promouvoir.


Conclusion


Afin de traverser les différents niveaux de complexité, nous devons expérimenter, apprendre, comprendre et évoluer afin d’atteindre des niveaux de conscience plus élevés. Si nous ne le faisons pas, les problèmes persistent et s’accumulent avec une intensité croissance.


L’intelligence émotionnelle joue un rôle fondamental. Être en harmonie avec les émotions d’autrui, capable de régler les désaccords, et travailler en toute fluidité contribue, en grande partie, à déterminer l’intelligence collective du groupe. Cette intelligence collective sera vecteur de performance pour l’entreprise.


Natalia Douliez, Fondatrice de CEO COACH



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